Le théorème de Sklar en termes simples

Le théorème de Sklar, introduit en 1959, a révolutionné l’analyse multivariée en permettant la modélisation séparée des distributions individuelles et de leurs interdépendances, transformant ainsi la modélisation probabiliste et la gestion des risques.

 

Considérons un ensemble de variables aléatoires, X1, X2, …, XN. Chaque variable a son propre comportement, modélisé par une fonction de distribution, notée F_Xi(x) pour la i-ème variable. Ces fonctions, appelées distributions marginales, décrivent la probabilité que Xi prenne une valeur inférieure ou égale à x indépendamment des autres variables.

 

Une copule (*) est une fonction mathématique qui lie les marges univariées pour former leur distribution multivariée. La beauté des copules réside dans leur capacité à modéliser la structure de dépendance des variables indépendamment de leurs marges.

 

Le théorème de Sklar stipule que pour toute fonction de distribution cumulative multivariée F ayant des marges données, il existe une copule C telle que, pour tout vecteur (x1, x2, …, xN), la distribution conjointe puisse s’écrire comme suit :

F(x1, x2, …, xN) = C(F_X1(x1), F_X2(x2), …, F_XN(xN))

 

On dit alors que F a C comme copule.

 

Ce qui rend le théorème de Sklar particulièrement puissant, c’est la propriété d’invariance des copules. La copule reste constante même lorsque les distributions individuelles (les marges **) changent, permettant ainsi aux analystes d’adapter les modèles sans affecter la structure de dépendance sous-jacente.

 

Une copule décrit la structure de dépendance entre les variables en termes de leurs rangs relatifs plutôt que de leurs valeurs réelles ou de leurs distributions marginales spécifiques. L’idée est de découpler la modélisation des marges, qui représentent les comportements individuels des variables, de la structure de dépendance capturée par la copule.

 

Lorsque les marges changent mais que leurs rangs (l’ordre des valeurs) restent similaires, la copule peut théoriquement rester constante. Par exemple, transformer une distribution normale en une distribution log-normale peut altérer la forme marginale mais conserver l’ordre des rangs des données. Dans de tels cas, la structure de dépendance décrite par la copule ne change pas nécessairement, car elle se concentre sur la manière dont les variables co-évoluent sur une échelle relative.

 

Cependant, si la modification des marges affecte de manière significative l’ordre des rangs ou le comportement relatif des variables, alors la structure de dépendance peut également être affectée. Cela se produit lorsque la transformation des marges induit des comportements relatifs différents entre les variables qui n’étaient pas capturés dans la copule initiale.

 

En pratique, les analystes utilisent les copules en ajustant d’abord la copule aux données classées des variables, en supposant que cette structure de dépendance est fixe. Différentes distributions marginales peuvent ensuite être appliquées tout en conservant la même copule pour maintenir la cohérence. Cette approche permet de modifier les marges sans affecter directement la manière dont les variables sont censées co-évoluer.

 

Cependant, il existe des limites à cette hypothèse. Si les modifications des marges sont extrêmes ou induisent des changements significatifs dans la corrélation des rangs, la copule peut ne plus représenter fidèlement la structure de dépendance. Ainsi, bien que le cadre des copules permette de changer les marges sans altérer la dépendance perçue, des changements importants dans les marges peuvent affecter la dépendance réelle, en particulier s’ils influencent l’ordre des rangs ou le comportement conjoint des variables.

 

Supposons que nous ayons deux actifs financiers X et Y avec des rendements corrélés. Supposons que X suive une distribution normale et Y une distribution exponentielle. Une copule de Clayton (***) est choisie pour modéliser leur dépendance.

 

Selon le théorème de Sklar, nous pouvons construire leur fonction de distribution conjointe F(x, y) en utilisant la copule de Clayton et les distributions marginales. Si l’on découvre plus tard que X suit en fait une distribution log-normale, seule la marge de X doit être mise à jour. La copule de Clayton capturant la dépendance entre X et Y reste valable.

 

Les applications du théorème de Sklar sont vastes, en particulier en finance où la modélisation des mouvements conjoints des rendements des actifs est cruciale. Les copules sont largement utilisées dans la tarification des dérivés multi-actifs, la gestion des risques et l’optimisation de portefeuille.

 

(*) Le mot “copule” provient du latin, où il signifie “un lien” ou “une union.”

 

(**) Les marges, en statistique, désignent les distributions individuelles des composantes d’une distribution multivariée. Elles décrivent la distribution de probabilité de chaque variable indépendamment, en ignorant la présence ou l’influence des autres variables du jeu de données.

 

(***) La copule de Clayton est un type de copule particulièrement efficace pour capturer la dépendance asymétrique des queues, ce qui signifie qu’elle peut modéliser efficacement des situations où des valeurs extrêmes d’une variable sont susceptibles d’être associées à des valeurs extrêmes d’une autre variable.

Écrire commentaire

Commentaires: 0