Le Calcul d’Itô en termes simples 

Le calcul stochastique est une branche des mathématiques financières et des probabilités qui permet de modéliser et d’analyser des phénomènes aléatoires en continu, tels que les prix des actifs financiers. L’un des outils les plus importants de cette discipline est le calcul d’Itô, qui permet de différencier des fonctions de processus stochastiques, notamment celles qui dépendent d’un mouvement brownien. Ce calcul diffère sensiblement du calcul différentiel classique et nécessite une approche adaptée pour tenir compte des propriétés stochastiques.

 

Le mouvement brownien, souvent noté W_t, est un processus stochastique jouant un rôle central en finance et en probabilités.

Premièrement, W_0 = 0, ce qui signifie que le mouvement brownien commence à l’origine. Deuxièmement, les incréments W_(t+s) - W_t sont indépendants de l’histoire du mouvement brownien jusqu’à l’instant t. Troisièmement, pour tout s > 0, la variation W_(t+s) - W_t suit une loi normale de moyenne nulle et de variance s, c’est-à-dire une loi N(0, s). Enfin, les trajectoires de W_t sont continues, mais non différentiables presque partout.

 

Ces propriétés font du mouvement brownien un modèle idéal pour décrire l’évolution des prix d’actifs, des taux d’intérêt, ou d’autres phénomènes financiers ou physiques aléatoires.

 

Lorsque l’on manipule des processus stochastiques comme W_t, il est tentant d’essayer de les différencier de la même manière que les fonctions lisses dans le calcul classique. Cependant, cette approche naïve échoue, car W_t n’est pas différentiable dans le sens classique.

 

Considérons par exemple la fonction t ↦ W_t^2, où W_t est un mouvement brownien. Dans le contexte classique, la règle de différentiation serait:

 

d/dt [W_t^2] = 2 * W_t * (dW_t/dt).

 

Cependant, comme W_t est un mouvement brownien, cette dérivée n’existe pas dans le sens habituel. Il faut donc trouver une autre manière de différencier W_t^2. C’est ici que le calcul d’Itô intervient.

 

La formule d’Itô est l’analogue stochastique de la formule de dérivation classique. Pour une fonction g(t, W_t) régulière, c’est-à-dire deux fois continûment différentiable par rapport à W_t et une fois par rapport à t, la formule d’Itô permet de calculer la différentielle de g(t, W_t). Elle s’écrit comme suit :

 

dg(t, W_t) = (∂g/∂t) dt + (∂g/∂W_t) dW_t + (1/2) * (∂²g/∂W_t²) (dW_t)².

 

Le premier terme est la dérive (∂g/∂t) dt, correspondant à la dérivée classique par rapport au temps. Le deuxième est le terme stochastique (∂g/∂W_t) dW_t, représentant la variation due au mouvement brownien. Le troisième est le terme de covariation (1/2) * (∂²g/∂W_t²) (dW_t)², qui est un terme supplémentaire par rapport au calcul classique.

 

Ce dernier terme est fondamental. Contrairement au calcul classique, où les carrés des différentielles sont négligeables, dans le calcul d’Itô, on a (dW_t)² = dt. La raison est que la variance d’un mouvement brownien sur un intervalle de temps infinitésimal [t, t + dt] est égale à dt. Cette propriété unique signifie que les variations infinitésimales de W_t sont suffisamment “grandes” pour que leur carré ne soit pas négligeable et contribue à la dynamique de la fonction.

 

Pour illustrer la formule d’Itô, considérons g(t, W_t) = W_t^2. Appliquons la formule d’Itô pas à pas.

Calculons d’abord les dérivées partielles. La première dérivée est (∂g/∂t) = 0, car g ne dépend pas explicitement de t. La deuxième est (∂g/∂W_t) = 2 * W_t. La troisième est (∂²g/∂W_t²) = 2.

 

Appliquons ensuite la formule d’Itô :

 

d(W_t^2) = 0 * dt + 2 * W_t * dW_t + (1/2) * 2 * (dW_t)².

 

En simplifiant cette expression, on obtient:

 

d(W_t^2) = 2 * W_t * dW_t + dt.  [rappelez-vous que (dW_t)² = dt]

 

La formule montre que la variation infinitésimale de W_t^2 est constituée de deux termes : un terme aléatoire 2 * W_t * dW_t et un terme déterministe dt.

 

La raison pour laquelle le calcul d’Itô diffère du calcul classique est liée à la nature de l’intégrale stochastique ∫[0, t] W_s dW_s. Cette intégrale est en fait une martingale, un processus stochastique dont l’espérance conditionnelle est égale à sa valeur actuelle.

Une martingale a une propriété importante : elle ne peut croître positivement de manière constante à partir de zéro. Si cette intégrale ∫[0, t] W_s dW_s était égale à W_t^2, alors elle serait toujours positive.

 

Cependant, une martingale qui commence à zéro ne peut rester positive à tout instant à moins d’être identiquement nulle. Ainsi, il est impossible d’avoir une relation du type:

 

W_t^2 = 2 * ∫[0, t] W_s dW_s

 

sans le terme supplémentaire “t”. C’est précisément ce terme additionnel qui compense la nature de martingale de l’intégrale.

Si l’on intègre cette différentielle de 0 à t, on obtient:

 

W_t^2 = W_0^2 + 2 * ∫[0, t] W_s dW_s + t.

 

En général, si W_0 = 0, on a simplement:

 

W_t^2 = 2 * ∫[0, t] W_s dW_s + t.

 

Cela montre que W_t^2 ne peut pas simplement s’écrire comme 2 * ∫[0, t] W_s dW_s, car il y a un terme additionnel “t” qui provient de la covariation du mouvement brownien.

 

L’intuition derrière la formule d’Itô est que, contrairement au calcul classique, les variations d’un mouvement brownien ont une nature “turbulente”. En effet, les trajectoires de W_t sont très irrégulières : elles oscillent rapidement et de manière imprévisible. La formule d’Itô ajuste les calculs pour tenir compte de cette volatilité inhérente.

 

L’ajout du terme (1/2) * (∂²g/∂W_t²) (dW_t)² compense cette irrégularité. Dans le cas de W_t^2, cela se manifeste par le terme supplémentaire “t”, qui représente l’accumulation de la variance du mouvement brownien au fil du temps.


Le Calcul d’Itô en termes simples 
Le Calcul d’Itô en termes simples 

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