L''inégalité de Jensen en termes simples

La convexité joue un rôle primordial en finance de marché, notamment dans le pricing et la valorisation de nombreux instruments financiers, tels que les obligations, dont le prix est affecté de manière non linéaire par les variations des taux d'intérêt, ou les options, où le gamma mesure l'impact non proportionnel du prix du sous-jacent (comme une action) sur son prix.

D’un point de vue mathématique, une fonction est dite convexe si sa dérivée seconde est positive. Cette caractéristique implique que les variations d'une variable entraînent des changements non linéaires dans une autre, pouvant offrir des avantages comme des rendements améliorés en finance.

L'inégalité de Jensen démontre la convexité en mathématiques. Elle relie la valeur espérée d'une fonction convexe appliquée à une variable aléatoire à la fonction appliquée à la valeur espérée de cette variable. Plus précisément, l'inégalité de Jensen stipule que pour toute fonction convexe f et toute variable aléatoire X, la relation suivante est vraie :

E[f(X)] ≥ f(E[X])

Cela signifie que la valeur espérée de la fonction f appliquée à X est au moins aussi grande que la fonction appliquée à la valeur espérée de X. En termes financiers, si une fonction de gain (ou payoff) est convexe, alors la valeur espérée de ce gain sera supérieure au gain calculé à partir de la valeur espérée du sous-jacent. Cela éclaire la différence entre l'espérance d'un dérivé financier (dont le payoff est convexe) et celle du sous-jacent, ce qui a des conséquences majeures pour les produits financiers comme les options.

Valeur espérée de la fonction E[f(X)]

La "valeur espérée de la fonction", notée E[f(X)], signifie que l'on applique d'abord la fonction f à la variable aléatoire X, puis on calcule l'espérance. Autrement dit, on évalue chaque réalisation possible de X à travers f, puis on calcule la moyenne pondérée de toutes ces valeurs.

 

Fonction de la valeur espérée f(E[X])

 

La "fonction de la valeur espérée", notée f(E[X]), signifie que l'on calcule d'abord l'espérance de la variable aléatoire X, puis on applique la fonction f à cette espérance. Autrement dit, on prend la moyenne de tous les scénarios possibles de la variable X, puis on applique la fonction à cette moyenne.

 

Imaginez une courbe convexe : si vous tracez une corde entre deux points de la courbe (c'estàdire une ligne droite qui les relie), toute la portion de la courbe entre ces deux points sera située en dessous de la corde. De manière similaire, si vous calculez E[f(X)], vous prenez en compte l'ensemble de la courbe convexe, tandis que f(E[X]) ne considère que le point central (la moyenne) et ignore la convexité de la courbe.

La relation entre la courbe convexe et la corde reflète cette idée : en parcourant la courbe (qui correspond à E[f(X)]), vous "parcourez plus de chemin" ou générez plus de rendement qu’en passant directement par la ligne droite (qui correspond à f(E[X])).

 

La convexité de la courbe signifie que chaque fluctuation de la variable X est amplifiée dans le calcul de la valeur espérée. En finance, cela se traduit par un rendement plus élevé, car la courbe prend en compte toutes les variations positives du sous-jacent, contrairement à la corde, qui ignore ces fluctuations et représente un simple point moyen.

En résumé, passer par la courbe (en prenant en compte les variations) offre plus de potentiel de rendement que de passer par la corde (qui représente une vision linéaire et moyenne du sous-jacent). Rappelez-vous que le chemin le plus court est considéré comme étant la ligne droite soit la corde.

 

Convexité des produits de taux et gamma des options

 

La convexité est une notion clé pour les produits de taux (comme les obligations) et les options. Par exemple, la convexité des produits de taux traduit la manière non linéaire dont le prix d'une obligation évolue lorsque les taux d'intérêt changent. Plus une obligation est convexe, plus sa sensibilité aux variations des taux est accentuée, permettant à un investisseur de bénéficier de mouvements de taux importants de manière asymétrique.

De la même façon, pour les options, le « gamma » représente la convexité du prix de l'option par rapport aux variations de l'actif sous-jacent. Un gamma élevé signifie que le delta (la sensibilité du prix de l'option par rapport à l'actif) change rapidement, induisant une réaction non linéaire du prix de l'option aux variations. Ainsi, la convexité de l'option (via le gamma) reflète cette capacité à bénéficier des mouvements extrêmes du sous-jacent.

Comparaison avec une courbe linéaire ou non convexe (futures et forwards).

 

Pour bien comprendre la convexité, comparons la à une fonction linéaire, ou à un produit financier dont le payoff n'est ni convexe ni concave, comme les futures ou les forwards. Ces produits ont une relation linéaire (ou quasi linéaire) avec le sous-jacent. Par exemple, un contrat forward a un payoff (gain) qui suit de manière proportionnelle la variation de l'actif sous-jacent : pour chaque variation de 1 unité de prix du sous-jacent, le gain du forward change d'environ 1 unité.

 

Cela signifie que, pour un produit linéaire, la valeur espérée du payoff est très proche du payoff basé sur la valeur espérée du sous-jacent. Par exemple, si vous regardez l'évolution du prix d'un contrat future CAC 40 proche de l’échéance comparée à l’indice Cash, leurs évolutions sont presque identiques (bien que leurs prix diffèrent).

En revanche, pour un instrument financier au payoff convexe (comme une option ou une obligation avec une convexité positive), la valeur espérée du payoff sera supérieure à celle de la valeur espérée du sous-jacent. Cela s'explique par le fait qu’une courbe convexe amplifie les variations positives du sous-jacent, tout en réduisant l'impact des variations négatives.

 

Illustration :

Prenons l’exemple d'une option d'achat européenne. Une option d'achat (call) a une courbe de gain convexe : son payoff ne descend jamais en dessous de zéro (si l'on exclut la prime payée pour acheter l'option), et il augmente de manière croissante une fois que le prix du sous-jacent dépasse le prix d’exercice.

Si l'on compare cela à une fonction linéaire (comme un forward), l'option bénéficie davantage des grands mouvements positifs du sous-jacent que ce qu'elle ne souffre des mouvements négatifs, car la variation du call est plus que proportionnelle à celle du sous-jacent.

 

Supposons une option d'achat européenne sur une action XYZ avec un prix d'exercice K de 100 dollars. Selon les analyses de marché, il y a 50 % de chances que l'action clôture à 120 dollars (S1) ou à 80 dollars (S2). 

 

La fonction de gain de l'option est définie par :

f(x) = max(X  K, 0)

où X est le prix de l'action et K est le prix d'exercice.

Gain espéré de l'option : E[f(X)]

Si l’action termine à S1 = 120 dollars, le gain est max(120  100, 0) = 20 dollars.

Si l’action termine à S2 = 80 dollars, le gain est max(80  100, 0) = 0 dollar.

Le gain espéré est donc : 0,5  20 + 0,5  0 = 10 dollars.

Gain de l'option au prix spot espéré : f(E[X])

La valeur espérée du prix de l’action est (120 + 80) / 2 = 100 dollars.

Le gain de l’option pour cette valeur espérée est max(100  100, 0) = 0 dollar.

Ainsi, l’inégalité de Jensen indique que le gain espéré de l’option (10 dollars) est supérieur au gain calculé à partir du prix spot espéré (0 dollar). Cette différence provient de la convexité du payoff de l'option, qui amplifie les gains potentiels lors des mouvements positifs du sous-jacent.

 

Pour résumer, la convexité amplifie donc les gains potentiels lors des grands mouvements du sous-jacent, expliquant l'écart entre la valeur espérée du payoff d’une fonction convexe (comme une option) et celle d'un produit linéaire ou non convexe comme un forward.


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